Libérez l'enfant libre !

20/12/2017

par Florence Dubernet

Il y a quelques jours à peine, au détour d'un échange avec un client, celui-ci m'annonce qu'il voudrait « rompre avec son écosystème très structuré pour reconquérir l'esprit start-up des débuts ». L'objectif de cette PME, partagé par tellement d'organisations aujourd'hui, est de redonner de l'autonomie à ses salariés et stimuler leur goût de l'entreprenariat. Bref, d'encourager l'agilité.

C'est vrai, on ne compte plus le nombre d'articles dans les médias relatifs à la recherche de ce Graal par temps de crise. On ne compte plus le nombre d'entreprises qui écrivent Agilité en toutes lettres en haut de la feuille de route que l'on appelle souvent plan, projet, stratégie ou encore vision.

Ainsi, sur le simple mois de janvier, on dénombrait pas moins de 291500 requêtes sur l'expression « entreprise agile ». Une agilité qui peut se travestir derrière d'autres appellations pour devenir flexibilité, réactivité ou simplement renouveau.

Mais quel est l'enjeu réel pour les organisations ? Certains diraient un peu brutalement : la survie. D'autres, qu'il est simplement question de prendre les risques nécessaires en cohérence avec les nouveaux enjeux, qu'ils soient sociaux ou environnementaux. Le cabinet Deloitte répond qu'au delà de l'adaptation de son organisation, l'agilité, c'est aussi (surtout ?) le développement d'une culture d'entreprise forte qui valorise les collaborateurs et transforme les changements en opportunités.

Face à cet objectif, la première question à se poser est de savoir quels sont les moyens à engager pour y arriver. Car bien avant de conquérir la fameuse agilité, faut-il encore accepter de déstructurer le modèle établi. Combien d'entreprises vivent au rythme d'un système de fabrication, d'un manuel de management, d'audits, process et procédures...? Cette colonne vertébrale en acier trempé, si elle a été longtemps la garante de l'efficacité d'un business model, est aujourd'hui ce qui bride le goût d'entreprendre des salariés, plus habitués à appliquer qu'à prospecter.

Un groupe, une organisation est un champ de forces qui interagissent en se soumettant à des règles établies. En analyse transactionnelle*, ces règles pourraient s'apparenter à l'état du moi du parent normatif* qui aurait pour mission de cadrer, de légiférer et de sanctionner (positivement ou négativement). Un état du moi souvent utile mais qui, poussé à son extrême, n'encourage en rien la liberté nécessaire à la créativité et l'innovation.

Ce qui semble aujourd'hui être recherché, c'est l'autonomie, la responsabilité, la soif d'entreprendre et d'imaginer, le goût du changement... Des caractéristiques qui s'apparentent cette fois à l'état du moi de l'enfant libre*. Comme le souligne François Vergonjeanne, coach et consultant en organisations, plus un groupe dépense d'énergie dans les processus, moins il en consacre à son activité. Finalement, la question pour les organisations en recherche d'agilité est de savoir si elles sont capables de s'éloigner du bord pour se réinventer et stimuler l'enfant libre de tous ses salariés.

*L'analyse transactionnelle (AT) d'Éric Berne, médecin psychiatre américain, dans les années 1950 à 1970, (aussi appelée AT) est une théorie de la personnalité et de la communication. Elle postule des « états du Moi » (Parent, Adulte, Enfant), et étudie les phénomènes intrapsychiques à travers les échanges relationnels, appelés « transactions ».

L'analyse transactionnelle vise à permettre une prise de conscience ainsi qu'une meilleure compréhension de « ce qui se joue ici et maintenant » dans les relations entre deux personnes et dans les groupes. L'analyse transactionnelle propose des grilles de lecture pour la compréhension des problèmes relationnels ainsi que des modalités d'intervention pour résoudre ces problèmes. La TOB (Théorie Organisationnelle de Berne) est une théorie sur le fonctionnement des groupes «organisés» qui s'articule de façon cohérente avec les concepts de l'AT.

* Enfant libre : cet état du moi se caractérise par la spontanéité, la liberté, la curiosité et la créativité.

Parent Normatif : c'est l'état du moi qui énonce les règles, les droits, les devoirs, et les fait appliquer. Les règles qu'il propose sont applicables, utiles, contractuelles, protectrices, souples.