Le bonheur, si je veux !

05/09/2017

par Florence Dubernet

Si comme moi, vous ne faites pas partie de la génération Y, alors vous vous souvenez peut-être de ce célèbre slogan imaginé par le Club Med dans les années 90 : le bonheur, si je veux ! Albert Camus disait en son temps : « Qu'est-ce que le bonheur sinon l'accord vrai entre un homme et l'existence qu'il mène ? ». Une autre manière de replacer l'individu en responsabilité de sa vie et de ses choix.

Pourtant, le bonheur, la happy culture, la happy thérapie envahissent chaque jour les médias et deviennent désormais un enjeu pour les organisations. Ainsi, tout individu normalement connecté ne peut passer à côté de données clés révélant qu'un salarié heureux est 2 fois moins malade, 6 fois moins absent, 9 fois plus loyal, 31% plus productif et 55% plus créatif...que les autres. Les statistiques en question ne précisent pas comment elles sont nées, mais finalement peu importe ! On ne parle plus désormais du bonheur, mais du bonheur... au travail ! Y'a-t-il simplement abus de langage ou l'individu est-il aujourd'hui en train de perdre le sens des responsabilités ? Sommes-nous au cœur d'un nouveau phénomène de mode, de communication qui fait vendre du conseil et des services ou véritablement en train de vivre une remise en cause d'un système ?

Pour mieux comprendre le phénomène, il suffit de prendre le temps de visionner le film de Martin Meissonier sorti en 2015 qui porte simplement le titre « Le bonheur au travail». Bien loin d'une méthodologie en images pour apprentis bonheurologues, le film place au centre des débats, des expériences de management alternatif basées sur la consultation, le partage de l'information, la participation, l'association des salariés à la prise de décisions...

Si l'on se réfère à l'ancestrale grille du management de Blake et Mouton, le bonheur au travail serait possible dans des organisations tournées vers la gestion de la relation. Des organisations appelées dès les années 60 : participatives ou sociales. Nous sommes en 2016, qu'est-ce qu'il y a vraiment d'alternatif dans tout cela ? Tout simplement, cette différence majeure que si Blake et Mouton considéraient en leur temps qu'une organisation tournée vers la relation, le faisait au détriment des résultats (et réciproquement !), aujourd'hui, il n'en est rien ! Et finalement, c'est probablement tout l'intérêt du principe : prendre conscience qu'une organisation qui mise sur le collaboratif, mise dans le même temps sur la performance.

Du participatif d'hier au collaboratif aujourd'hui, où se cache la différence ? Tout se joue sans doute dans la prise en compte réelle du besoin de reconnaissance de tout individu. Une reconnaissance définit par la chaire en gestion de la santé et de la sécurité au travail de l'Université de Laval comme une rétroaction constructive fondée sur l'appréciation de la personne comme un être qui mérite respect et qui possède des besoins ainsi qu'une expertise unique.

Il est établi que le besoin non satisfait de reconnaissance est à l'origine d'émotions, sentiments et comportements négatifs (colère, impatience, ressentiment, frustration, démotivation, stress...). Ainsi, le bonheur au travail, bien plus que le nouveau challenge de l'organisation pourrait être celui des salariés qui la composent s'ils étaient poussés vers l'autonomie, la responsabilité, la transparence, l'échange mais aussi le respect, l'écoute et le plaisir à travailler ensemble. Un challenge déterminant qui dépend, d'après Herminia Ibarra*, de la capacité de chaque dirigeant à dévoiler son « vrai » moi, à être authentique...

* Harvard Business Review (février/mars 2016) : Le paradoxe de l'authenticité par Herminia Ibarra