Exit les valeurs en plastique !

01/02/2018

par Florence Dubernet

Et il termine son texto par « La perfection, c'est has been ! Visons l'excellence, c'est déjà bien... ». Lui, c'est un jeune dirigeant d'une trentaine d'années. Pourquoi je vous en parle ? Car dans mon for intérieur, j'étais convaincue qu'il n'y avait plus grand monde en capacité d'utiliser ce mot dans une conversation quotidienne en 2018. Il faut croire que je me suis trompée...

L'excellence. Cette valeur fourre-tout qui a animé bon nombre de projets et de stratégies pendant de longues années. Elle était partout, invitée partout, placardée partout. Il fallait d'un côté s'employer à viser l'excellence pour le client, et d'un autre s'en servir comme appellation révolutionnaire pour stimuler les foules. On parlait alors de Vision et Excellence, Performance & Excellence ou encore Vision Performante et Excellence... Bref, tout semblait être dit derrière ces quelques mots.

Mais de quoi s'agit-il vraiment ? Dans un dictionnaire classique, vous trouverez une définition qui s'apparente à « Degré éminent de qualité, de valeur, de quelque chose ou de quelqu'un. Synonyme : perfection ». C'est là que les choses se compliquent.

Interrogez votre entourage sur ce que représente pour eux la perfection, vous constaterez qu'il s'agit le plus souvent d'un objectif inaccessible, relevant le plus souvent du divin ou de la légende urbaine. Le dicton nous le rappelle si la mémoire venait à nous manquer : la perfection n'est pas de ce monde. Alors pourquoi tenter invariablement d'en faire une réalité atteignable, un catalyseur de la motivation ?

J'entends déjà les nombreuses réactions de perfectionnistes diplômés, qui brandissent haut et fort que la perfection n'est pas la fin mais bien le chemin. Peut-être. Sans doute... Mais aujourd'hui, mon propos n'est pas là.

Il consiste plutôt à prendre conscience et à balayer une bonne fois pour toutes ces valeurs en plastique* incomprises ou fantasmées qui ne représentent finalement rien ou assez peu de choses dans la cartographie mentale de la plupart des individus. Et pourquoi pas alors se mobiliser et aligner sa stratégie sur des forces et qualités réelles, simples et ancrées dans la réalité.

Saviez-vous qu'à l'échelle de l'Europe, s'il existe une certaine harmonie entre les « corporate values » des entreprises qui placent l'innovation, la satisfaction du client et la qualité dans leur top 3, il y a néanmoins une exception, et c'est la France ! France qui se débat avec l'excellence, le partage, la proximité ou encore le respect. Ne me faites pas dire que cela n'est pas important, mais admettez que vous pouvez faire à peu près tout dire (et surtout n'importe quoi) à chacun de ces termes. Quid de l'unité, du partage, de l'adhésion, de la compréhension... ?

A quoi bon avoir des valeurs, tout ceci semble bien compliqué ? Robert Dilts, consultant américain et inventeur des niveaux logiques, explique « Les valeurs créent un cadre invisible qui enveloppe l'ensemble des interactions des gens qui gravitent à l'intérieur du système. Les valeurs et les croyances déterminent la façon dont les événements et les communications sont interprétées, devenant par conséquent la clé de la motivation et de la culture de cette organisation. Des valeurs et des croyances partagées sont le ciment d'une entreprise ou d'une équipe efficace ; à l'inverse, un conflit de valeurs est une source majeure de désaccords et de dissensions. »

La question n'est pas de savoir s'il faut avoir des valeurs, mais plutôt de prendre le temps de comprendre si elle représente quelque chose pour le collectif, et l'individu. Oublions l'excellence et sa grandiosité, et cherchons à faire simple et vrai.

* terme emprunté à Jason Fried, Co-fondateur et CEO de 37signals (Basecamp) - Chicago