Libéré ! Délivré ?

30/11/2017

par Florence Dubernet

Simple phénomène de mode ou comme on me l'expliquait encore hier, réponse à un modèle en crise, l'entreprise libérée ne cesse de faire parler d'elle. Bien sûr, ses détracteurs sont nombreux à expliquer que cette solution n'en est pas une, qu'elle engendre plus de difficultés qu'elle n'en résout invoquant principalement l'importance de l'encadrement intermédiaire qui seul permet d'identifier les expertises et de les faire grandir, de réagir avec réactivité si l'environnement le nécessite ou encore de clarifier les rôles et les missions de chacun. Vous trouverez une bonne synthèse des arguments ici. L'enjeu de ce billet n'est pas de vous permettre d'enfin savoir s'il faut y aller ou pas, mais plutôt d'apporter modestement un éclairage complémentaire (encore un !)

D'abord, il est je crois important de rappeler qu'avant d'être un collectif, l'entreprise est une somme d'individualités. Qui dit individualités, dit inclination individuelle c'est à dire tendance naturelle que chacun a de se comporter en fonction de sa propre personnalité (quitte à parfois déstabiliser le groupe). On distingue alors deux catégories : les inclinations dites convergentes qui contribuent à la cohésion et les inclinations divergentes qui participent à l'émergence des conflits, des désaccords et des rivalités.

Multipliez les individus et vous multiplierez les inclinations, les attentes, les histoires de vie, les caractères et évidemment les besoins. Il est alors intéressant de se poser cette question simple et si souvent ignorée : De quoi ai-je besoin ? et par conséquent De quoi l'ensemble des collaborateurs d'une entreprise ou organisation peut avoir besoin ? L'enjeu de cette question, c'est d'abord d'identifier et de lever éventuellement une croyance limitante* qui consisterait à penser que nous partageons tous les mêmes besoins, ce qui est évidemment faux. Ensuite, c'est d'appréhender concrètement si le collectif qui est en face de moi est mûr pour évoluer vers la libération de l'entreprise ou si des étapes intermédiaires sont à franchir au préalable.

La permission de se libérer

La libération de l'entreprise repose avant tout sur le principe de l'autonomie acquise par chacun des individus qui la compose, et ce, quel que soit leur rôle. L'acquisition de cette autonomie est un chemin qui va bien au-delà du déclaratif, plus particulièrement encore lorsque des habitudes d'indépendances ou d'interdépendances ont été prises au sein de l'organisation depuis de nombreuses années. Rappelons d'abord en quelques mots ce qu'est l'autonomie. Le mot autonomie vient du grec auto, soi-même et nomos, loi : ce qui est autonome se régit par des règles librement consenties. Ainsi l'autonomie, c'est prendre en compte ses propres besoins tout en respectant ceux des autres. Ce serait la condition sine qua none pour libérer son entreprise. Sur le papier, évidemment, tout cela est formidable. Dans la vraie vie, c'est une autre affaire. Comment emmener un collectif vers l'autonomie ? Sans proposer la réponse, ni même une réponse, je partage quelques éléments de réflexion.

Si l'on reprend le postulat de départ qui consiste à rappeler cette évidence qu'un collectif est une somme d'individus, il est alors intéressant d'établir un parallèle avec le travail effectué par James Allen, vice-président et professeur de psychiatrie et des sciences du comportement à l'université de l'Oklahoma. Son propos consiste à dire que la quête de l'autonomie est ponctuée par la recherche de permissions progressives que chacun doit obtenir pour aller à l'étape suivante.

Il existe 8 niveaux de permission que je vous propose de recontextualiser dans l'environnement «travail » :

Ainsi, chaque individu progresse sur le chemin de ses permissions en fonction des opportunités offertes par son environnement (formation, style managérial, culture d'entreprise...) et de sa capacité personnelle à être conscient de la taille et du potentiel de son « espace de jeu ».

Libérer, c'est tendre vers plus d'autonomie. Tendre vers plus d'autonomie, c'est franchir progressivement les différents niveaux de permission. La question est désormais de savoir pour chaque organisation (et chaque individu), quelles sont les stratégies ou moyens à mettre en place pour favoriser (sans le garantir) l'autonomie. Le terrain de jeu est ouvert...

*Croyance limitante : Une croyance limitante fonctionne comme un « virus de la pensée » qui contient des implications inconscientes et des présuppositions qui la rende difficile à identifier et à remettre en question. Ces croyances sont toxiques car elles brident le plus souvent le potentiel. Elles ont aussi un effet pervers : plus on y croit, plus on essaie de trouver des preuves pour les justifier.

** Position existentielle : La position de vie est la valeur que je me donne à moi-même et aux autres, l'idée positive (que l'on nomme ici ok et que l'on symbolise par un +) ou négative (que l'on nomme non ok et que l'on symbolise par un -) que j'ai de moi, des autres et du monde.

Il y a donc quatre positions de vie :

  • Je suis ok / vous êtes ok (+/+),
  • Je ne suis pas ok / vous êtes ok (-/+)
  • Je suis ok / vous n'êtes pas ok (+/-)
  • Je ne suis pas ok / vous n'êtes pas ok (-/-)

Sources :

James R. Allen Scénarios : le rôle de la permission AAT

François Vergonjeanne Coacher groupes et organisations (la théorie organisationnelle de Berne)

www.ifat.net